Qu’est-ce que le crédit public ?
Le pouvoir qui contrôle la monnaie et le crédit contrôle l’économie. Si l’État, représentant la volonté et l’intérêt des citoyens, ne contrôle pas la monnaie et le crédit, ce sont des intérêts privés qui contrôleront l’État, en vue de leur propre profit.
C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui en Europe occidentale et aux États-Unis, où les vingt-huit plus grands établissements financiers du monde dictent leur loi de profit à court terme et accaparent le pouvoir réel. Les banques centrales et les Trésors publics des États se sont rendus complices de ces intérêts, en les laissant libres d’agir et en émettant de la monnaie de singe pour les secourir lorsqu’ils sont menacés de faillite. Ces intérêts n’investissent pas dans des projets à long terme, mais en vue de réaliser les gains les plus élevés possible dans l’intervalle de temps le plus court possible.
Le crédit public est au contraire, pour l’État, l’arme qui lui permet de prêter en vue de créer une plateforme de développement économique, social et humain à long terme. Cet État stratège et inspirateur doit avoir le privilège absolu d’émission de monnaie et de répartition de crédit. Il investit pour l’avenir et non pour le gain immédiat, en contrôlant une Banque nationale qui doit être administrée par un Conseil national du crédit, rassemblant en son sein les représentants de toutes les forces vives de la nation, et pas seulement des banquiers, des agents du Trésor et des inspecteurs des finances.
Cette institution doit être le chef d’orchestre qui donne le la économique. C’est-à-dire qui oriente le crédit public directement vers le financement de grandes infrastructures et délègue aux banques de gestion de dépôts et de crédit la répartition nationale et régionale des crédits pour les productions industrielle et agricole et les services correspondants.
Les Trésors publics sont ainsi en mesure d’utiliser les avances ou crédits de leur banque nationale ou de leurs pôles financiers publics, à des taux préférentiels, pour l’équipement des hommes et de la nature en vue de créer des plateformes de développement mutuel, à l’échelle d’un pays, d’une zone comme l’Europe ou internationale.
Ce n’est pas le fruit d’une spéculation ou d’un gain rapide qui permet de rembourser le crédit, ni même tel ou tel projet en lui-même, mais le développement général de la ou des nations intéressées, un développement « global », c’est-à-dire économique, humain et social.
Pour résumer les choses, le crédit public, sous le contrôle politique du peuple, est ce qui permet à une société de promouvoir les découvertes de la science et leurs applications sous forme de technologies et de techniques pour le bénéfice du plus grand nombre et des générations futures.
Cela suppose bien entendu un système de fonctionnement réellement démocratique et non dirigé par une caste, ce qui fut le cas dans le système soviétique et qui prend aujourd’hui une forme plus indirecte mais tout aussi destructrice dans le système que l’on dit libéral, et qui est en fait une dictature de l’argent, par l’argent et pour l’argent, ce « monde de la City et de Wall Street » que nous combattons.
Au parti des propriétaires du prolétariat ont ainsi succédé les partis de l’exploitation et de l’exclusion, en abdiquant leurs moyens de financer un futur de développement mutuel.
Décollage par le crédit public
L’Etat doit pouvoir lancer de grands projets d’équipement de l’homme et de la nature pour créer l’environnement propice à l’essor d’entreprises ayant recours à des technologies de production avancées.
C’est la solution pour éliminer le chômage en suscitant la création d’emplois qualifiés dans la recherche, le développement, la production et les services nécessaires à cette création. Cet enchaînement vertueux est indispensable à une véritable reprise économique.
Cependant, l’Etat ne peut lancer ces grands projets dans le cadre financier du système européen actuel, qui est une camisole de force, pas plus qu’en s’en tenant à une application de la nouvelle loi Glass-Steagall. En effet, dans les conditions actuelles, il n’y aurait pas suffisamment d’institutions bancaires ni de liquidités disponibles pour lancer cette autre politique. La mise hors jeu des spéculateurs ne sera pas mécaniquement remplacée par l’autorité des producteurs.
C’est pourquoi il faut impérativement mettre en place un autre système, fondé sur le crédit productif public.
La formule est simple : la Banque de France, redevenue une banque nationale, doit renouer avec la possibilité de faire des avances au Trésor public pour financer de grands projets sur le long terme, à un horizon de dix à cinquante ans. La dette contractée est remboursée au fur et à mesure de la réalisation des projets, grâce au progrès économique d’ensemble qu’ils engendrent.
Cet argent est alors détruit par la Banque nationale ; il ne circule que pendant le temps de l’avance et de l’emprunt.
L’Etat, par ce pari sur l’avenir, pourra anticiper les besoins futurs d’équipement de notre pays, sans augmenter proportionnellement les taxes et les emprunts.
Aujourd’hui, la Banque centrale européenne (BCE) émet bel et bien, elle aussi, de l’argent à partir de rien, mais le livre aux spéculations et à un remboursement de dettes illégitimes contractées entre emprunteurs et prêteurs inégaux. Ce que je préconise est au contraire un système par nature anti-inflationniste, car il est anticipateur de production de richesse physique accrue par individu, par unité de surface et par ménage. Son application exige bien entendu une rupture avec les principes libéralement financiers de l’Union européenne actuelle. Je m’y engage.
Ceci étant dit, ce système de crédit productif implique trois exigences :
- Tout d’abord, changer de manière de penser. Le crédit public est incompatible avec la matrice monétariste actuelle : ni euro-libéralisme ni national-libéralisme, ce prétendu « libéralisme » masquant une dictature de l’oligarchie financière.
Ce système de crédit productif public est un pari sur l’avenir. Il s’insère dans un processus de développement portant sur plusieurs générations. Il incarne le propre de l’homme, qui est de créer. Il est ainsi intrinsèquement anti-oligarchique et anti-impérial. En mettant un vecteur scientifique au poste de commande, il parie que l’homme découvrira de nouveaux principes universels qui, appliqués sous forme de technologies, permettront de peupler notre société d’individus plus créateurs et participant tous à sa transformation pour le bien commun. C’est ce qui définit dans mon projet cette société « plus humaine » dont beaucoup parlent sans lui donner de fondement.
- Ensuite, ce crédit doit servir à transformer et améliorer l’environnement humain, non à entretenir les actifs financiers ou les modes technologiques existants. Ce sont donc des formes d’intervention de l’homme sur l’univers de plus en plus denses, de plus en plus efficientes qu’il doit nourrir.
La notion de densité est ici essentielle : une technologie et une forme d’énergie plus denses, plus productives par unité de surface, par personne et par unité de matière utilisée, correspondent à une densité de travail mental plus élevée mis au service des générations futures. Au contraire, des formes moins denses ne seront pas en mesure d’assurer des conditions de vie dignes à davantage d’êtres humains, ni même à la population actuelle de cette planète, en raison de l’épuisement des ressources correspondant à tout mode technologique donné et à toute paresse mentale.
C’est pourquoi, contre tout pessimisme culturel, je propose de développer le nucléaire, la forme de production d’énergie la plus dense que nous connaissions. Cela signifie le nucléaire de quatrième génération, en particulier la filière thorium, et la recherche sur la fusion thermonucléaire contrôlée.
Les technologies du numérique, de la robotique, de la 3D et les applications des nanotechnologies ne doivent pas être des choses en soi, mais doivent être liées à ces développements de l’énergie fournie à l’économie. Bien évidemment, cela implique une forme de société plus avancée, incluant la participation réelle et permanente de ses différents acteurs aux décisions. On n’a pas pu bâtir les pyramides avec des générations d’esclaves, on ne pourra pas bâtir notre futur avec les conditions de travail qui règnent aujourd’hui. Pour le dire plus précisément, la société devra devenir plus humaine, plus inclusive et plus participative pour que le crédit public puisse développer les énergies et les technologies nécessaires à notre futur. Ce qui ramène à mon combat politique pour arracher ce que l’on appelle les neurosciences au contrôle des pouvoirs financiers et à l’influence des militaires.
Enfin, nous devons sortir des textes qui nous contraignent, bloquant tout recours à l’initiative de l’Etat et au crédit public (cf. ma section sur l’Europe).
Planification participative
Dans le contexte ainsi défini par la séparation bancaire et le crédit productif public, je redonnerai à l’Etat des yeux pour voir et des oreilles pour entendre en créant un ministère délégué au Plan, rattaché au Premier ministre. Le ministre organisera la participation citoyenne à l’élaboration du futur de l’économie. Inspirateur et soutien des grands projets d’équipement financés par le crédit public, il disposera d’une équipe indépendante d’une centaine de hauts fonctionnaires et de représentants des divers courants économiques de la nation. Cette équipe aura un pouvoir permanent d’enquête « transversal ».
Ce ministère et son équipe seront en lien permanent avec le Conseil national du crédit qui animera le fonctionnement de la Banque nationale et fournira les moyens d’exécution du Plan voté par le Parlement.
Indicatif, flexible mais éclaireur, le Plan définira les emplois qualifiés de l’avenir, correspondant aux grands projets auxquels participera la France sur son territoire ou au-delà, prévoira les moyens de les former, particulièrement avec les instances des filières professionnelles (cf. ma section sur l’Education nationale) et en discutera la répartition avec les entreprises intéressées.
Un des principaux avantages d’une administration du Plan forte et souple sera de permettre le retour à un aménagement du territoire et en particulier, à l’accompagnement et à l’aide des territoires en difficulté ou en détresse. Ainsi le principe de péréquation, qui repose sur la solidarité nationale, pourra être rétabli et étendu. Il est, comme le service public, essentiel pour assurer l’égalité entre citoyens, avec un effet intégrateur complet qui est la meilleure arme pour éviter l’enkystement des communautarismes.
<box|id=1621|surtitre=Pour aller plus loin|titre=Exiger un nouveau Bretton Woods>Il est évident que la France ne peut mettre en œuvre cette politique à elle seule. Tout repli national est en soi impossible. C’est donc à une autre dimension de la nation que je m’efforcerai de la porter. Cette dimension, que le général de Gaulle désignait comme le service de la « cause de l’humanité », s’accorde à la mission universelle qui a toujours caractérisé notre République.
Le terrain financier se trouvant alors déminé et le principe de crédit public adopté, je m’efforcerai, à l’échelle européenne et internationale, dans la perspective d’« une ceinture, une route » tracée par la Chine, d’organiser une initiative coordonnée de grands travaux, afin d’équiper l’homme et la nature en vue d’un développement mutuel entre les peuples.